Plus le cerveau est sollicité tôt en termes d’apprentissage, plus les connaissances sont facilement et durablement assimilées. Les échecs ne dérogent pas à la règle. « Le cerveau, à la naissance, ressemble à une page blanche », résume Francis Brunelle, professeur de radiologie pédiatrique à l’hôpital Necker, qui s’est penché sur l’apport cognitif du jeu. « Les circuits cérébraux s’organisent et se modifient structurellement en fonction des pratiques de l’enfant. Les échecs sont, en ce sens, très intéressants et constructifs », poursuit le spécialiste.
Le monde de l’éducation l’a bien compris. De plus en plus d’écoles proposent une initiation aux échecs dans le cadre d’ateliers périscolaires. Les enseignants s’en servent également comme support pédagogique dans différentes disciplines comme, bien sûr, les mathématiques, mais aussi parfois l’histoire, le français, les arts plastiques ou l’éducation physique et sportive.
Le ministre Jean-Michel Blanquer, bien avant son arrivée Rue de Grenelle, a beaucoup œuvré pour l’introduction des échecs -l’une de ses passions- dans les salles de classe. En 2012, en tant que directeur général de l’enseignement scolaire, il signe une circulaire encourageant cette discipline. « Les échecs conduisent à développer des raisonnements mathématiques et stratégiques, mais aussi des capacités de recul, d’analyse et d’abstraction, qui seront utiles à l’élève tout au long la scolarité », écrit-il dans son livre L’Ecole de la vie (Odile Jacob, 2014).
Pourquoi enseigner le jeu d’échecs à l’École ?
Le jeu comme outil pédagogique
Le jeu a été présent de tout temps dans les activités humaines. Tantôt reconnu, dans la société comme dans l’enseignement (Platon et Aristote préconisaient chez le jeune enfant l’instruction par le jeu), tantôt banni. Néanmoins, le jeu comme outil d’apprentissage est depuis longtemps institutionnalisé à l’école, notamment à l’école maternelle.
Le jeu, par la motivation quasi spontanée qu’il peut susciter chez le jeune apprenant, est indéniablement un levier efficace pour servir les apprentissages. Les situations que l’apprenant peut découvrir ou réinvestir à travers la pratique du jeu sont très variées tant sur le plan transversal (réflexion, concentration, méthode, mémoire, respect de la règle et des adversaires…) que sur le plan purement cognitif (calcul mental et réfléchi, élaboration de stratégies dans le cadre de situations problèmes…).
S’il est vrai que la pratique du jeu, activité gratuite par essence, peut légitimement poser la question du transfert sur le plan des savoirs fondamentaux, il n’en demeure pas moins que l’apprentissage de la vie en société qu’il induit ne peut qu’être bénéfique au jeune apprenant.
Considéré comme le roi des jeux, promulgué sport en 2000, le jeu d’échecs possède des atouts considérables tant sur le plan transversal que social.
Les échecs, inventés il y a quatre mille ans environ, se sont développés d’une manière extraordinaire au cours de ce siècle. Par la beauté de ses combinaisons et la profondeur des analyses, parce qu’il est le reflet des luttes de notre vie, en même temps qu’une gymnastique de l’esprit, le jeu d’échecs est considéré, à juste titre, comme le roi des jeux…
À travers ses règles, basées sur le respect d’un temps donné, sur la notion de collectivité et d’échange, il participe à l’apprentissage de la citoyenneté.
Le recul et l’expérience que l’on a aujourd’hui démontrent que les échecs augmentent les capacités de concentration, de réflexion, d’anticipation ou de synthèse. Mais ses atouts vont bien au-delà encore, un bon joueur d’échecs doit aussi faire preuve de créativité. Lorsque vous entamez une partie, vous devez élaborer une stratégie, un projet, selon votre propre personnalité.
Les spécificités du jeu d’échecs
Il demande ou améliore :
• L’attention
• La concentration
• L’esprit logique et mathématique
• Le jugement et le plan
• L’imagination et la prévoyance
• La créativité
• La maîtrise de soi
• La volonté de vaincre ou de résister face au danger
• Un outil pour l’acquisition de compétences transversales nécessaires aux savoirs fondamentaux.
• Un outil de sociabilisation
Découverte et initiation au jeu d’échecs en grande section
Un support ludique pour les activités cognitives. Le tableau suivant reprend de manière non exhaustive les diverses possibilités offertes par l’enseignement du jeu d’échecs en maternelle.
Les compétences mises en jeu | Les situations d’apprentissage associées |
Symboliser :- les différentes pièces | Toutes les situations de symbolisation imposées par le jeu lui-même et par le codage sur feuille |
Coder – les différents déplacements | Nécessité d’un code pour désigner l’emplacement d’une pièce (repères orthonormés) Utilisation permanente lors du jeu |
Utiliser les nombres pour se repérer | Mise en place de la désignation conventionnelle (lettre en abscisse, chiffre en ordonnée) – nécessité fonctionnelle |
Décoder – les différentes cases de l’échiquier par un code alpha numérique ( ex E4 ) | |
Comprendre le fonctionnement d’un tableau à double entrée | Gestion de l’échiquier, |
Comprendre la notion de couple (coordonnées) | Utilisation d’un repère orthonormé: l’échiquier Désignation des cases |
Connaître la suite des nombres de 1 à 8 Maîtriser les suites écrites de 1 à 8 |
Utilisation des chiffres pour désigner |
Comparer des nombres Ranger les nombres par ordre croissant de 1 à 8 Réaliser des calculs additifs |
Comparaison des valeurs des pièces (ex tour = 5, fou = 3, cavalier = 3….) lors des prises Total des forces prises à l’adversaire |
Comparer des longueurs (distance) | Prise en compte des différentes distances possibles à parcourir en un coup pour le fou, la tour et la dame |
Ranger | Rangement des pièces par ordre de puissance (en fonction des valeurs numériques conventionnelles de chaque pièce) |
Réaliser des algorithmes | Travail sur la réalisation de l’échiquier (arts plastiques ou technologie) |
Mettre en œuvre des stratégies de tâtonnement | Toutes les situations de déplacement en fonction d’un objectif |
Analyser des problèmes simples | Recherche des trajets les plus efficaces Recherche des trajets les plus courts Réflexion sur l’intérêt d’une prise ou pas Réflexion sur la menace ou la sécurité de telle ou telle position ( en prise ou pas) |
Appréhender par l’implicite l’orthogonalité | Manipulations de pièces à déplacement orthogonal ( tour, fou) |
Appréhender la symétrie | Mise en place des pièces blanches et noires par symétrie |
Description succincte d’ateliers proposés
Activité puzzle : Résolution du puzzle échiquier
Il s’agit de reconstituer un échiquier en carton, d’abord avec l’aide du tableau mural ou d’un guide, ensuite sans aide particulière.
Cette activité est proposée à chaque séquence à un groupe de 2 à 3 élèves.
Décrire avec des gommettes le trajet de la tour ou du fou
Jeu tour contre fous
Sur l’échiquier, les élèves, par groupe de deux, placent deux fous blancs en f1 et c1 et une tour noire en a8, les blancs commencent. But : en exécutant correctement les mouvements de chaque pièce, gagner un des fous pour la tour ou la tour pour le camp des fous.
Le jeu d’échecs est un jeu réputé difficile. Pourtant, il est possible d’envisager un enseignement de cette discipline dès la classe de grande section. Entre cinq et six ans, les enfants manifestent une curiosité insatiable et le plaisir de s’engager dans des expériences nouvelles. Il faut pouvoir répondre de manière ordonnée à toutes ces attentes, satisfaire le désir d’apprendre de tous sans décevoir les uns ni décourager les autres.
On peut affirmer que le jeu d’échecs attire les enfants, et ce dès l’âge de 4/ 6 ans. Dans le monde agité et perturbant pour certains, ce jeu les rassure : les règles sont fixes, il y a un cadre.
Chacun progresse à son rythme : on apprend à identifier les pièces, à les positionner, à les déplacer, puis à jouer ….
Cette activité menée à l’école maternelle permet à l’enfant de se développer par le
jeu, tout en maintenant un niveau d’exigence nécessaire à son développement tant sur le plan des apprentissages : codages, mouvement des pièces et structuration de l’espace que sur le plan transversal : développement de l’autonomie et de la personnalité.
Nicolas Sanchez et Françoise Cwiek-Nguyen