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JEUX en Nord-Pas-de-Calais
Histoire des médaillés olympiques
CÉCILE NOWAK par Jean-Pierre GUILBERT
SPORTS RÉGION HAUTS DE FRANCE Elle a dix ans et ils la confient à Pierre des moins de 48 kilos et se fait au fil du temps
Beaury, un personnage charismatique une belle carte de visite. En 1987, en véritable
dont la pédagogie, les compétences alchimiste, elle transforme le bronze et l’argent
et la psychologie font merveille. Il voit en or. Elle inscrit son nom au palmarès
très vite le potentiel de sa protégée et des tournois de Moscou, de Strasbourg, de
trace la carrière de cette gamine pour Vienne et devient championne d’Europe à
en faire une championne. Elle mène de Paris. Sélectionnée pour les championnats du
front les deux activités jusqu’en 1978, monde à Essen, elle se blesse sérieusement
date à laquelle elle choisit définitivement à cause d’une rupture des ligaments croisés
le judo. Elle s’entraîne assidûment et du genou droit. Cette blessure la plonge dans
possède une grande volonté de vaincre. le plus grand désarroi et la tient éloignée des
tatamis des mois durant. Loin de se morfondre,
Depuis sa première compétition à elle a la rage au coeur. Même si elle est au «
Pecquencourt, alors qu’elle fête ses fond du trou », elle mène sa rééducation avec
13 ans, jusqu’en 1993, l’année où sérieux et rigueur puis reprend l’entraînement
elle arrêtera sa carrière, Cécile Nowak de façon acharnée avec un seul souci : être
connaîtra des succès et des titres à tous championne d’Europe en 1989, car elle veut
les niveaux. Sans fioritures, en toute tenir la promesse qu’elle a faite à son coach
humilité, avec le respect des autres, de toujours, Pierre Beaury, en septembre
de ses parents, de son entraîneur à qui 1987 : « Ne vous inquiétez pas pour moi,
elle voue une admiration sans faille, je serai championne d’Europe dès mon
elle gravit une à une les marches qui la retour. » À Helsinki, au début du mois de mai
mènent au Panthéon du judo. 1989, après un brillant parcours, elle trouve
sur sa route la Britannique Karen Briggs
Toujours à la recherche de l’excellence, championne incontestable de la catégorie.
Survoltée, explosive, elle efface l’obstacle,
Cécile Nowak, championne d’Europe en 1989, (Photo AFP) généreuse dans l’effort comme dans retrouve son sourire et le niveau auquel elle
la vie, fidèle à sa ligne de conduite, aspirait. Le mauvais sort l’a galvanisée, elle est
championne d’Europe pour la seconde fois. Elle
incapable de baisser les yeux devant son remporte aussi cette année-là : les tournois de
Paris et de Hollande et prend la troisième place
Née à Valenciennes le 22 avril 1967, Cécile adversaire, elle progresse d’une façon des championnats du monde qui se disputent
à Belgrade où la Britannique Karen Briggs
Nowak vit près de quatorze années à la fosse exponentielle. Elle obtient sa ceinture noire le grimpe sur la plus haute marche du podium. En
1991, elle marque définitivement son territoire
Dutemple, un quartier minier situé dans sa 9 octobre 1983, elle est junior et exprime ses dans la catégorie des moins de 48 kilos en
conservant son titre de championne d’Europe
ville natale. Son père Léon, ouvrier qualifié en énormes qualités. Elle devient championne de à Francfort. Elle s’adjuge aussi le tournoi de
Paris et le titre de championne de France.
mécanique aux Houillères du bassin du Nord France junior en 1984,date à laquelle elle entre à La demoiselle coquette, aux cheveux blonds
bouclés, mi-ange, mi-démon, son charme en
et du Pas-de-Calais, bénéficie à ce titre d’un l’INSEP où elle connaîtra deux entraîneurs : Guy oxymore, n’a plus qu’un seul objectif : devenir
championne olympique. Elle sait qu’à Barcelone
pavillon où loge toute sa famille. Sa maman, Delvingt et Christian Dyot. Cette année-là, ses les Jeux s’ouvriront aux compétitions féminines
pour la première fois. Elle se prépare avec
Marie-José, femme au foyer, garde un oeil parents vivent un moment d’intense émotion son sérieux habituel, sa vivacité. Mais ce qui
frappe chez elle, c’est son regard prêt à tout
vigilant sur la fratrie où s’ébattent aussi deux lorsque retentit La Marseillaise, après sa : une fierté d’Artaban mêlée à une profonde
humilité. Elle devient championne du monde
garçons, Jean-Michel, l’aîné, et Christophe, victoire au tournoi d’Orléans. C’est la première en 1991 à Barcelone et marque les esprits
de ses principales adversaires : Karen Briggs
le benjamin. Cécile, vive et volontaire, aime fois que l’hymne national est joué en l’honneur et la jeune Japonaise Ryoko Tamura. Sur les
tatamis, elle est devenue l’adversaire dont on
se frotter aux garçons de la cité. Elle aime le de leur fille et ils en éprouvent une très grande
sport et participe déjà à de petites compétitions fierté. Le souvenir est aujourd’hui encore bien
organisées par les copains où elle excelle. Sa vivant dans leur mémoire. Cécile multiplie les
hargne et sa détermination sont légendaires, grandes performances : tournois de Pologne et
on ne l’embête pas, elle sera surnommée : de Hollande en 1985, championne de France
« La Tigresse des corons ». Sa scolarité est par équipes... Elle coupe le cordon ombilical et
excellente. Dès 1977, ses parents l’inscrivent quitte le club de Saint-Amand-les-Eaux où elle
au Saint-Amand étudiant club où elle débute gardera toujours de profondes attaches pour
l’athlétisme. Elle y pratique le 100m, la rejoindre l’Athletic club Boulogne-Billancourt
longueur et le relais. Elle débute également au (ACBB) plus proche de l’INSEP où elle profitera
Judo club du Parc avec ses deux frères, car les des conseils de Jean-Pierre Gibert.
Nowak souhaitent que leurs rejetons, pour se Après sa victoire aux championnats du monde
défendre contre toute agression, apprennent universitaires à Rio en 1986, elle rentre en
un sport de combat. équipe de France. Elle tire dans la catégorie
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